L’ISC du Vietnam s’engage sur la voie de l’indépendance durable
par Thanh Hai VU, directeur général du département des affaires juridiques, et Duong Tan CAO, chef de la division bilatérale de la Cour des comptes du Viêt Nam
Introduction
Les institutions supérieures de contrôle (ISC) jouent un rôle essentiel en confirmant que les contrôles des dépenses publiques fonctionnent correctement et en recommandant la manière dont les organisations du secteur public peuvent agir de manière plus efficace et plus transparente. Elles donnent également aux citoyens l’assurance que les pouvoirs publics utilisent les ressources publiques de manière à en maximiser la valeur et à obtenir des résultats. Cependant, les ISC ont du mal à inspirer cette confiance si elles ne sont pas indépendantes.
Depuis sa création il y a près de 30 ans, le Bureau d’audit de l’État du Viêt Nam (SAV) est devenu progressivement plus indépendant, conformément aux principes de la Déclaration de Lima de 1977, de la Déclaration de Mexico de 2007 et, plus récemment, de l’Agenda 2030 des Nations unies pour le développement durable. Le cheminement de SAV vers l’indépendance a impliqué des considérations à la fois juridiques et pratiques.
L’indépendance de la SAV lui a permis de jouer un rôle de plus en plus important dans le développement de la nation et l’intégration internationale, notamment en garantissant des finances publiques transparentes et durables. La SAV a également intensifié ses efforts pour apporter une contribution plus substantielle à la communauté régionale et internationale de l’audit public. SAV est fier d’être l’un des cofondateurs des institutions supérieures de contrôle de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEANSAI) en 2011, et de 2018 à 2021, il a assuré la présidence de l’Organisation asiatique des institutions supérieures de contrôle des finances publiques (ASOSAI).
Atteindre l’indépendance juridique
L’importance de l’indépendance de l’audit gouvernemental a été reconnue pour la première fois dans la déclaration de Lima de 1977. Les principes fondamentaux énoncés dans la Déclaration de Mexico de 2007 sur l’indépendance des ISC incluent la nécessité d’une “indépendance de jure” par le biais d’un cadre constitutionnel, statutaire et juridique.
Comme beaucoup d’autres ISC, l’indépendance juridique de SAV a été un parcours ardu (voir figure 1). Au cours de sa première décennie d’existence, la SAV était une agence du pouvoir exécutif placée sous le contrôle direct du Premier ministre. La SAV est devenue une agence indépendante lorsque la première loi sur l’audit d’État a été adoptée en 2005. La loi stipule que la SAV est une agence indépendante d’inspection financière de l’État, créée par l’Assemblée nationale, et qu’elle doit agir dans le strict respect de la loi. Le SAV a été chargé de réaliser des audits financiers, de conformité et de performance de tous les départements et organisations du pays qui utilisent le budget, les ressources et les actifs publics.
En 2013, le statut juridique du SAV et de l’auditeur général a été inscrit pour la première fois dans la Constitution du Viêt Nam. Tout comme la loi sur le contrôle des finances publiques, la Constitution stipule que la SAV est une agence indépendante créée par l’Assemblée nationale, qui doit se conformer uniquement à la loi.
La Constitution a également renforcé l’indépendance et le fonctionnement de la SAV, a précisé le statut juridique, les fonctions, les pouvoirs et l’organisation de la SAV, et a clairement identifié les responsabilités des agences, des organisations, des unités et des individus associés à la SAV. Par exemple, la Constitution précisait que l’Auditeur général était à la tête de la SAV et responsable devant l’Assemblée nationale du fonctionnement de l’agence.
La loi sur l’audit d’État a été modifiée en 2015 et en 2019 afin de créer des institutions efficaces, responsables et transparentes à tous les niveaux et dans tous les domaines, conformément à la Constitution, à d’autres lois, telles que la loi sur le budget de l’État et la loi anti-corruption, et à la déclaration de Hanoi de 2018 de l’ASOSAI sur l’audit d’environnement pour le développement durable.
Atteindre l’indépendance pratique
Bien que les dispositions constitutionnelles et juridiques formelles soient importantes, l’indépendance des ISC va bien au-delà d’un ensemble de règles. Il est également essentiel que les ISC exercent ce que la Déclaration de Mexico appelle l’indépendance “de facto” ou pratique, qui comporte des dimensions organisationnelles, fonctionnelles et financières.
Indépendance organisationnelle. L’auditeur général est à la tête du SAV et est élu par l’Assemblée nationale pour un mandat de cinq ans. L’auditeur général adjoint est nommé et peut être révoqué par une commission permanente de l’Assemblée nationale. Les départements d’audit spécialisés et les bureaux d’audit régionaux sont dirigés par des directeurs généraux, qui sont nommés et peuvent être révoqués par l’auditeur général. Actuellement, SAV compte 32 départements et bureaux régionaux, avec environ 2 500 employés ; tous les auditeurs sont titulaires d’un diplôme universitaire ou supérieur. Les compétences du personnel, ainsi que les exigences en matière de formation professionnelle, renforcent l’autonomie opérationnelle du SAV.
Indépendance fonctionnelle. SAV élabore son plan d’audit de manière indépendante, applique les méthodes d’audit, effectue les audits et communique les résultats à l’Assemblée nationale. Les auditeurs de SAV ont le droit d’accéder aux informations et aux documents qui entrent dans le cadre des audits. La SAV entretient de bonnes relations avec les agences législatives, exécutives et judiciaires, et travaille avec les médias pour communiquer avec le public sur ses activités. En 2016, dans un effort de normalisation des pratiques nationales d’audit public, la SAV a publié un ensemble de 39 normes d’audit du secteur public basées sur les normes internationales des institutions supérieures de contrôle des finances publiques.
Indépendance financière. SAV dispose des ressources nécessaires à ses activités, mais ces ressources sont encore soumises à l’intervention du ministère des finances. La loi sur l’audit de l’État stipule que la SAV doit déterminer ses coûts opérationnels et les transmettre au gouvernement pour synthèse, sous réserve d’une décision de l’Assemblée nationale. En théorie, cette exigence pourrait avoir un impact sur le budget de SAV et pourrait être une question à examiner lors des futures révisions des lois sur l’audit et le budget de l’État.
En résumé, la SAV jouit désormais d’une indépendance à la fois juridique et pratique, et l’exerce pour contrôler efficacement l’utilisation des fonds et des biens publics. Grâce à ses audits, SAV soutient l’Assemblée nationale et les conseils du peuple à tous les niveaux et a contribué à lutter contre la corruption, les pertes et les gaspillages, à détecter et à prévenir les violations de la loi et à aider les agences gouvernementales à atteindre une plus grande efficacité.
La voie à suivre : L’indépendance durable et l’ODD 16
L’indépendance durable est un processus, pas un produit, et ce processus comporte à la fois des étapes et des obstacles. C’est pourquoi il est essentiel que les ISC veillent à préserver leur indépendance en restant pertinentes, en fournissant des garanties aux parties prenantes et en s’adaptant à l’évolution de la situation. Tout comme les gouvernements adoptent de nouvelles méthodes de prestation de services, les ISC doivent rester flexibles dans la manière dont elles effectuent leurs contrôles. Les ISC devraient également être prêtes à proposer de nouveaux pouvoirs juridiques, le cas échéant, tels que le droit de contrôler les flux de fonds publics.
L’indépendance durable est un élément clé des efforts déployés pour atteindre l’ODD 16, qui appelle à “la paix, la justice et des institutions fortes”. L’ODD 16 peut être réalisé en éliminant la fraude et la corruption, en établissant des structures efficaces, responsables et transparentes à tous les niveaux, en maintenant l’accès du public à l’information et en protégeant les libertés fondamentales conformément à la législation nationale et aux accords internationaux.
L’ODD 16 définit plusieurs objectifs à atteindre d’ici 2030, conformément à la valeur fondamentale de l’indépendance durable. Premièrement, la SAV vise à améliorer sa capacité opérationnelle et la qualité, l’efficience et l’efficacité de ses audits, afin de renforcer sa capacité à contrôler l’utilisation des fonds et des biens publics. Plus précisément, la SAV vise à améliorer sa capacité à mener des audits de performance et à renforcer son mandat légal pour permettre un meilleur accès à l’information.
Deuxièmement, la SAV prévoit de se transformer, par étapes, en une institution hautement professionnelle, afin de suivre le rythme de la modernisation du pays tout en continuant à adhérer aux normes internationales et aux meilleures pratiques. SAV se concentrera sur le développement de son infrastructure numérique et sur la mise en œuvre de l’automatisation pour soutenir ses activités.